Faut que j’me rentre, j’ai un mauvais pressentiment d’puis un moment. J’laisse mes potes dans la ruelle où on discute d’puis masse time après avoir fait l’tour du quartier, pis j’me barre en marchant tranquille… Ouais enfin tranquille c’est vite dit, parce que j’ai pas l’esprit tranquille là. Quelqu’chose me préoccupe.

Putain, quelle ambiance de mort dans la baraque. Télé éteinte, radio éteinte, pas d’lumières allumées, et ma mère assise dans la cuisine, en train d’fumer une clope. Elle m’fait face, et j’dois dire qu’son regard m’inquiète. Pis pourquoi Tyson est pas là ? Oh non qu’elle m’dise pas qu’il lui est arrivé un truc, j’vais d’venir fou, d’jà que j’passe pas autant d’temps que j’le voudrais avec lui !

« Qu’est-ce qui s’passe mam’ ? »
« On va se faire expulser, Lincoln Watts »
« Hein ? Non… »
« Si (elle me tend une enveloppe déjà ouverte) on doit régler $1000 avant la fin du mois »
« … »
« Je croyais que tu t’occupais de tout, Lincoln »

Pourquoi elle m’regarde comme ça là ? Elle s’rend pas compte qu’c’est d’jà assez dur comme ça ? Non faut qu’elle m’regarde avec ces yeux accusateurs… Putain mais quel con je suis, plutôt que d’flâner comme ça j’devrais être en train d’me crever pour pouvoir payer, et tenir ma promesse, mais non j’suis comme un con à glander dehors même quand il fait froid, plutôt que d’aider ma famille.

« Je ne pourrais jamais payer tout ça… »
« J’vais régler ça »

… Elle m’répond juste d’un rictus en détournant le regard et en fumant sa clope. Bref, j’préfère me casser dans la chambre, j’ai une décision à prendre…


Elle ose pas m’regarder, c’est sûr’ment dur d’voir la réalité en face, parce que c’est pas c’qu’elle avait prévu pour moi. Eh ouais mam’, j’deviens comme tous les autres ici, une victime du quartier, rien d’plus, mon heure est pas venue. No, pour l’heure j’dois me démerder à trouver du fric, parce que j’ai pas pu payer la totalité des frais. Cette baraque coûte cher, ça m’troue l’cul ! J’me dit qu’on devrait p’tetre déménager, j’sais pas, mais bon on vit ici d’puis toujours en fait, la baraque s’est pas effondrée pendant le tremblement d’terre, contrairement à d’autres… p’tetre un signe pour qu’on y reste, j’sais pas, tout c’que j’sais c’est que j’galère sévère à trouver l’fric qu’il m’faut. J’me dis que j’devrais trouver un travail, mais dans quoi ? J’pas de diplôme et la prison m’en a pas donné un, j’pas eu cette luck là moi, p’tit nègre de Vallcenson.

Pfff… ça sert à rien d’chercher à discuter avec elle, même quand Tyson s’trouve dans sa chambre elle veut pas ouvrir la bouche. Bref… ça m’casse les couilles ces histoires d’frics, faut que j’trouve un truc, oh pis ça m’casse la tête surtout, j’en ai ma claque de tout ça, j’me casse.

J’bouge de chez moi en claquant la porte, rien à battre, j’passe à un drugstore, j’prends une bouteille de bière, et j’vais au plus proche, j’pas envie de zoner mais j’pas envie non plus d’rester chez moi. Neh, j’vais chez Vince, c’est l’plus proche d’chez moi, j’ai qu’à espérer qu’il est là et c’est bon, j’vais m’vider la tête, pis je verrai comment m’remplir les poches.